L’Hôtel-Dieu, chef d’œuvre architectural, avec ses façades gothiques et ses toits vernissés, fait partie du patrimoine des Hospices de Beaune. Créé le 4 août 1443 par Nicolas Rolin, chancelier du Duc de Bourgogne, et son épouse, il servira à soigner des centaines de miséreux alors même que la guerre de Cent Ans n’est pas encore terminée.
Au Moyen Âge, le verbe « soigner » a un sens bien différent du nôtre. Il en va de même lorsque l’on parle de médecine. L’existence des microbes est méconnue et le savoir de la médecine s’appuie essentiellement sur les récits des auteurs antiques. Il s’agit d’une « médecine rationnelle » composée de magie et de divinations. Néanmoins, la médecine connaît de nombreux progrès notamment dans le domaine de la chirurgie et de la connaissance du corps humain.
L'état de la médecine au Moyen Age
À l’époque médiévale, la principale connaissance de la médecine dépend des auteurs antiques : Galien ou Hippocrate. Médecin grec, Hippocrate est considéré comme le père de la médecine. Il se base sur l’examen des symptômes, que l'on cherche à les faire disparaître pour soigner les malades. L’œuvre L’art médical, de Galien, est un texte fondamental pour la médecine de l’époque. D’autres auteurs, comme Aristote et ses traités sur l’anatomie et la physiologie, influencent cette science. Avicenne, célèbre médecin perse du XIe siècle, permet à la médecine en Occident de connaître d’importants progrès.
Les médecins au Moyen Âge s’appuient donc sur un savoir antique qui repose essentiellement sur la théorie des humeurs. Selon cette théorie, le corps est composé de quatre humeurs qui sont le sang, le phlegme, la bile jaune et la bile noire. Ces termes sont à l’origine de certains mots. En grec, la bile se dit cholè d’où le tempérament colérique. Ces quatre éléments forment un équilibre, sans lequel la personne tombe malade. Pour trouver les causes de la maladie, les médecins analysent les humeurs du patient. Il faut ensuite rééquilibrer les humeurs, essentiellement au moyen de saignées. Les médecins utilisent aussi les « contraires » afin de soigner.
Les premières écoles de médecine
Ces écoles vont permettre à la médecine de connaître quelques progrès durant cette période. Salerne est la première école de médecine à être fondée. Depuis l’Antiquité, cette ville est connue pour être un lieu de cure. C’est donc tout naturellement que ce lieu est choisi pour fonder cette première école. Les moines ont d’abord fondé un hôpital qui est rapidement devenu un lieu d’enseignement. C’est au Haut Moyen Âge qu’elle devient une cité hippocratique, notamment grâce à son hôpital et à son école. On lui donnera d’ailleurs comme surnom la « Civitas Hippocratica ». Dès le Xe siècle, Salerne est la grande ville médicale d’Europe occidentale. Charles Le Simple fait notamment appel aux médecins de Salerne ainsi que l’évêque Adalbéron, qui ira jusqu’à Salerne pour tenter de soulager des problèmes urinaires.
Cette école sert de modèle pour les fondations de nouvelles universités. Paris, Bologne et Montpellier enseignent la médecine jusqu’au XIVe siècle. Ces universités permettent à la médecine de progresser puisque c’est à Bologne qu’à lieu la première dissection humaine en 1316. Dès 1376, et sous l’impulsion des écoles, Louis d’Anjou, lieutenant du roi, ordonne qu’une dissection ait lieu tous les ans à l’université. À partir du XIVe siècle , la médecine progresse dans de nombreux domaines.
Les évolutions de la médecine au Moyen Âge : entre remèdes et chirurgie
Le Moyen Âge connaît de nombreuses évolutions concernant la médecine. De nouvelles techniques permettant de soigner les patients sont inventées. La progression dans la connaissance du corps humain permet d’améliorer les traitements des malades. Cependant, ces progrès restent minimes car la maladie a toujours une signification spirituelle. Le malade est un pécheur et cette assimilation freine le progrès.
Pour les médecins du Moyen Âge, les maladies ont une signification spirituelle. Ils pensent qu’il existe un rapport entre le corps et l’âme. Les maladies sont alors psychosomatiques. Pour Avicenne, les passions sont une cause de maladie. La maladie est avant tout un désordre moral. Si un homme est malade, c’est qu’il a commis un péché. La maladie devient alors une voie de rédemption.
Les médecins du Moyen Âge cherchent à prévenir les maladies. Ils recommandent, par exemple, de bien manger. Pour ne pas tomber malade, ces régimes insistent sur le rythme des repas et sur la sobriété de ceux-ci. La maxime « la gloutonnerie tue plus que l’épée » est prononcée par un médecin de l’époque. Il est conseillé de ne faire qu’un repas par jour. Certains aliments sont aussi conseillés par les médecins, tels que le pain blanc ou le poisson. À l’inverse, les légumes secs ne doivent pas être au menu. En plus de certains aliments, les médecins recommandent d’avoir une bonne hygiène. Certains conseils d’hygiène semblent inutiles, tels que se laver les pieds « pour préserver la santé de l’ouïe, de la vie et de la mémoire ». Malheureusement, tous ces conseils n’empêchent guère de tomber malade. Les médecins disposent de plusieurs techniques pour soigner les malades.
Face aux malades, les médecins tentent d’effectuer un diagnostique, et les méthodes évoluent au Moyen Âge. Les prises de pouls et l’examen de la langue ne sont plus pratiqués. Le diagnostic se fait essentiellement par l’urine et le sang. L’uroscopie est diffusée dans le monde occidental par les Byzantins et mise au point par Gilles de Corbeil (1165/1213). Cette méthode d’analyse se fait grâce à un récipient en verre (matula) qui deviendra le symbole des médecins au Moyen Âge. Après son diagnostic, le médecin décide du traitement nécessaire pour soigner son patient. Il peut conseiller son patient d’aller consulter un chirurgien-barbier.
La chirurgie est souvent utilisée pour soigner les malades. Elle est évidemment effectuée sans anesthésie, mais il existe le lait de Pavot pour calmer la douleur du patient. Les médecins du Moyen Âge ont essayé de mettre au point une « anesthésie chirurgicale » avec une « éponge somnifère » imbibée de suc de Jusquiame, d’opium et de chanvre indien mais cela ne permet pas d’endormir totalement le patient. La prise en compte de la douleur est aussi l’une des évolutions au Moyen Âge. Deux chirurgiens ont permis à cette discipline de connaître d’importantes avancés.
Henri de Mondeville (1260/1320), chirurgien de Philippe Le Bel, s’est rapidement imposé comme étant très talentueux. Né en 1260, il étudie à Paris et à Montpellier, il est un des premier à recommander le nettoyage des pansements afin d’éliminer souillures et corps étrangers. Il enseigne à l’université de Montpellier et forme un autre chirurgien célèbre : Guy de Chauliac (1298/1368).
Guy de Chauliac est né dans une famille très modeste en Lozère vers 1300. Il mène une vie simple comme valet de ferme. On sait qu’il est initié par ses parents aux recettes des rebouteux, et c’est peut-être cela qui l’incite à devenir chirurgien. Il étudie à Montpellier et devient, en 1325, maître en médecine. Il laisse une excellente description de la peste de 1348.
La chirurgie permet de mettre en place des innovations dans plusieurs domaines : la trépanation et la réduction des fractures, l’opération de la fistule anale, la ligature des hémorroïdes, l’hémostase par cautérisation, l’extraction des corps étrangers métalliques à l’aide d’aimants ainsi que la suture des plaies de la poitrine. Cependant, la religion freine considérablement les progrès de la médecine car la décision finale de guérison appartient avant tout à Dieu.
La médecine de l’époque médiévale connaît d’importants progrès notamment grâce aux apports de la médecine arabe. Avicenne, Arnauld de Villeneuve, Henri de Mondeville, et bien d’autres, font évoluer cette science. La connaissance du corps humain permet des progrès dans divers domaines, comme dans la chirurgie. La naissance des premières universités permet au savoir de se répandre. Cependant, la médecine médiévale reste essentiellement basée sur les textes d’auteurs antiques et sur la théorie des humeurs. L’existence des microbes reste inconnue. Cette zone d’ombre explique alors que l’espérance de vie reste peu élevée. En moyenne, au début du Moyen Âge, l’espérance de vie d’un homme était de 14 ans. À la fin du XVe siècle, ce chiffre augmentera pour atteindre l’âge de 19 ans. Les progrès de la médecine sont-ils à l’origine de cette augmentation ? Il semble impossible d’en être certain mais, néanmoins, les techniques chirurgicales permettent de sauver des malades qui, avant ces maigres progrès, auraient certainement décédé.
BIBLIOGRAPHIE
BAZIN-TACCHELLA Sylvie, QUERUEL Danielle, SAMAMA Evelyne, Air, miasme et contagion, les épidémies dans l’Antiquité et au Moyen Âge, Langres, Dominique Guéniot éditeur, 2001.
BRESC Henri, COULET Noel et alii.. , Le corps souffrant : maladies et médications, Razo cahiers du centre d’études médiévales de Nice, 1984, p. 132.
BUCHET Luc, Médecine et chirurgie pendant les premiers siècles du Moyen Âge. Présentation de quelques vestiges anthropologiques. In : Revue archéologique du Centre de la France, tome 22, fascicule 4, 1983, p. 273-281.
COLLARD Franck, SAMAMA Evelyne, Le corps à l’épreuve, poisons, remèdes et chirurgie : aspects des pratiques médicales dans l’Antiquité et au Moyen Âge, Langres, Dominique Guéniot éditeur, 2002.
DACHEZ Roger, Histoire de la médecine, de l’Antiquité à nos jours, Paris, Tallandier, 2012.
DALARUN Jacques, Le Moyen Âge en lumière, manuscrits enluminés des bibliothèques de France, Paris, Fayard, 2002.
DALL’AVA SANTUCCI Josette, Des sorcières aux mandarines, Paris, édition Calmann-Levy, 2004.
DE PINA Luiz, Histoire de la Médecine Portugaise (abrégé), Porto, Imprimerie Enciclopédia Portuguesa, 1934.
HECKETSWEILER Philippe, Histoire de la médecine, Paris, Ellipses, 2010.
LEGOFF Jacques, TRUONG Nicolas, Une histoire du corps au Moyen Âge, Paris, éditions Liana-Levi, 2003.
MONTAZEAU Odile, Histoire de la formation des Sages-Femmes en France, Université médicale Virtuelle Francophone, 2012.
PIERRE Julien, Eau et médecine au Moyen âge : Marie-Thérèse Lorcin, Humeurs, bains et tisanes : l'eau dans la médecine médiévale. In : Revue d'histoire de la pharmacie, 81ᵉ année, n°299, 1993. p. 493.
POUCHELLE Marie-Christine, Corps et chirurgie à l’apogée du Moyen Âge, Paris, Flammarion, 1983.
SOUMIER Jean-Charles, MARTINY Marcel, POULET Jacques, Histoire de la Médecine, de la Pharmacie, de l'Art Dentaire, de l'Art Vétérinaire, Paris, Librairie Jose Corti, 1977.
TOUATI François-Olivier, Maladie et société au Moyen Âge, la lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu’au milieu du XIVème siècle, Paris, DeBoeck université, 1998.
https://memoirevive.besancon.fr/ : Numérisation du Canon d’Avicenne
Comments